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Famille et ferme réunies pour un développement réussi

De gauche à droite, Marie-Claire, Perrine, Nicolas et Jacques Rouchez. L’organisation et le développement de la ferme ont été pensés pour ajuster vie privée et vie professionnelle. « Nous ne voulons pas faire plus que ce que ne peut avaler la fromagerie aujourd’hui », relèvent Marie-Claire et Jacques, qui désirent une ferme reprenable à long terme.

Jacques et Marie-Claire Rouchez font partie des producteurs d’AOP salers et cantal qui produisent, transforment, vendent et maintenant affinent à la ferme. Perrine et Nicolas, deux de leurs enfants, sont venus les rejoindre pour la suite de l’aventure.

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Il fait - 4 °C en arrivant à la ferme à l’heure de la traite du matin, en ce début de février. « Pas encore assez froid », scande Jacques Rouchez, éleveur au Gaec la ferme du Jarry. Il espère quinze jours en dessous de zéro pour éliminer les parasites, notamment les tiques. « Quand j’étais jeune, il n’y en avait pas à cette altitude. »

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Maintenant de pleines grappes se retrouvent sur les mamelles même tard dans la saison. La ferme se situe à Paulhac, à 1 120 m d’altitude, dans le Cantal. Jacques s’est installé en 1993, après avoir été aide familial durant deux ans, à la suite du départ à la retraite anticipé de son père à 56 ans. Il reprend ses 30 vaches montbéliardes sur 52 ha. La ferme initiale n’est pas sur le site du Jarry. Ce ne sera que quelques années plus tard, après l’installation en 1997 en EARL de Marie-Claire, elle-même fille d’éleveurs, que la décision sera prise de reprendre le site actuel, issu de la branche maternelle de Jacques, pour combiner élevage et vie familiale. « Nos enfants ont toujours été présents sur l’exploitation », affirme Marie-Claire, qui revendique une réelle réflexion sur l’organisation du travail.

Simplifier le travail

« Je n’avais jamais trait une vache avant et j’avais plutôt peur de ces animaux », avoue-t-elle. Sa ferme familiale sera mise en location et le couple développera en plus de vingt ans un atelier de transformation de fromages salers et cantal fermiers, une boutique de vente à la ferme et sur les marchés ainsi qu’un atelier d’affinage. « Nos investissements ont toujours porté sur la simplification du travail et l’amélioration du quotidien. Pas de gros tracteurs ici ! » C’est d’ailleurs l’un des arguments pour l’utilisation du chien de travail, arrivé en 1997 et dont Nicolas, leur fils, parle avec passion. Il est venu rejoindre l’aventure comme associé le 1er mai 2024 après quatre ans au contrôle laitier et un statut de salarié sur la ferme, tout comme sa sœur Perrine. Lise, la dernière, devenue ingénieure, travaille actuellement en Savoie, où elle navigue entre la saison d’alpage et la vente dans une coopérative de beaufort. « Nos trois enfants travaillent dans l’élevage », souligne Marie-Claire.

En 1996, le premier gros investissement concerne la stabulation et la salle de traite (2 x 4 places) pour 880 000 francs de l’époque. Un an plus tard arrive le hangar à fourrage. Mais ce n’est qu’en 2002 que la famille décide d’occuper les lieux avec la maison d’habitation en face de la stabulation. Lise a alors 4 ans. Le bâtiment est agrandi de 36 places en 2003 et dans les deux ans qui suivent, le troupeau passe progressivement en race abondance. En 2007, le projet de vente à la ferme voit le jour avec la création du petit chalet et, un an plus tard, un nouvel investissement porte sur la construction du hangar à matériel. En 2015, la fromagerie est refaite à neuf avec la création de l’appentis des veaux, prolongement du même bâtiment. Et le tout dernier investissement date de l’année dernière avec le tunnel d’affinage, construit par l’entreprise locale Matière, spécialisée dans la construction de ponts. « Avec l’installation de Perrine et Nicolas, nous n’avons jamais été aussi bien en matière de trésorerie, souligne l’éleveuse. Nous voulions qu’au moment de leur installation, il y ait le moins d’emprunts possible. » Le prochain projet concernera l’agrandissement de la stabulation, les vaches laitières étant aujourd’hui plus de 70 et à l’étroit dans le bâtiment (146 ha avec l’arrivée de Perrine et Nicolas). Tout ce développement part d’une transformation du lait déjà présente, mais à bien moindre échelle au démarrage.

Du lait à transformer dans la journée

« En 2003, nous faisions quasi toute la campagne de salers, mais pas de cantal l’hiver. Or la demande en fromage progressait. C’était moi qui m’occupais de la transformation du lait en cantal ou salers fermiers. Nous avons commencé un marché, puis un autre. C’est venu tout seul », raconte Marie-Claire. Un débouché spécifique pour le salers de huit jours soutient la production et du cantal est vendu en direct. Patrice Troupel rejoint la ferme comme fromager en 2017. La production passe à l’étape supérieure. Le Gaec cherche à écouler les fromages à Rungis (30 à 40 pièces de 45 kg environ) puis, avec le confinement en 2020, les fromages commencent à manquer.

« Et tout s’est développé d’un coup », reprend Marie-Claire. Perrine, alors de retour sur la ferme comme salariée, prend en charge le développement et la logistique des ventes. « De quelques pièces, nous sommes passés à plusieurs tonnes aujourd’hui. » Et la vente sur les marchés a pris de l’ampleur avec, « en été, jusqu’à cinq à six marchés par semaine ».

En juillet, le Comité interprofessionnel des fromages (CIF) Salers fait un état des lieux entre offre et demande afin d’ajuster la production, grâce à l’attribution de plaques (rouges en salers). Ainsi, en 2023, le nombre de plaques attribué a baissé de 7 % et de 11 % en 2024. « Il y a un peu de stocks en général, mais en vente directe, nous sommes à flux tendu », souligne Marie-Claire. En cantal (plaque verte), la production n’est pas régulée. Toute la complexité de la ferme repose sur la transformation et son ajustement. Le système d’exploitation est, lui, assez simple avec des vaches qui sont à l’herbe le plus tôt possible et affouragées durant les périodes sèches. Les vaches sortent fin avril. Les femelles de moins de 18 mois et les vaches gestantes restent dehors tout l’été sans complément. Les vaches à la traite ont en revanche entre 2 et 2,5 kg d’aliment VL20 dans la cabane à traire ; en août, si le salers est arrêté, « nous donnons un peu d’enrubannage.

C’est un bon compromis », explique Nicolas. Pour alléger le travail, la traite du soir est refroidie et mélangée avec celle du matin afin de ne faire qu’une fabrication de cantal par jour. L’herbe est gérée au fil tous les jours, matin et soir, et les vaches, tout comme la cabane à traire, suivent la pousse de l’herbe. « Il est rare qu’elles mangent trois fois au même endroit. Cette semaine, les vaches sont là, la suivante, on ne sait pas ! Il n’y a jamais deux années pareilles. » Si les vaches souffrent peu de la chaleur en été car « il y a toujours de l’air », la difficulté réside dans l’accès à l’eau : « Nous avons cinq tonnes à eau. » Les parcelles reçoivent de temps en temps des engrais en plus du lisier, mais cela reste anecdotique.

Le foin, toujours conservé

Près de 90 % des terres sont en zone sensible. Les récoltes de fourrages ont été bonnes en 2024 et les stocks débordent (180 t de MS de foin et 130 t de MS d’enrubannage). « Nous ne revendons rien. Nous ne broyons rien. Nous stockons tout et surtout le foin ! », affirme Marie-Claire, qui se remémore les années précédentes où il a fallu acheter toute l’alimentation à cause de la météo et des rats taupiers. Les parcelles sont déprimées au printemps pour obtenir une meilleure qualité de foin. Un peu de paille, achetée chez un voisin, est consommée par les veaux pour développer la panse et utilisée en litière. « Nous sommes à 100 % en insémination artificielle et toutes nos génisses sont génotypées. Nous ne travaillons qu’en race pure et nous ne cherchons pas à faire beaucoup de lait (de 5 000 à 7 000 l/lactation), mais plutôt à avoir de bons taux et des vaches qui vieillissent bien, avec des objectifs en fertilité et en reproduction », explique Nicolas. Il ne fait pas une préparation au vêlage spécifique, même s’il complète la ration avec de l’orge et du colza (+ 1 kg d’aliment VL22). En hiver, il a donc quelques fièvres de lait, 2 ou 3 durant la saison. Côté maladie, le Gaec vaccine sans problème (BVD) et a traité les veaux contre la coccidiose cette année. L’une des difficultés réside dans la piroplasmose, transmise par les tiques. « Toutes nos génisses restent sur la ferme car elles s’immunisent d’une certaine manière. Nous avons fait le constat que les vaches malades n’étaient pas passées jeunes dans nos parcelles à risque », observe Nicolas. Le passage de la FCO-8 se voit avec « des génisses qui vêlent à terme mais sans préparation, avec peu de pis. Certaines ont eu de la fièvre. Les veaux cependant vont bien ». Prochaine étape, vacciner contre la FCO-3. La ferme était dans déjà dans la zone pour la vaccination MHE.

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